Réflexions sur La Chasse à L’arc

« La Chasse à l’Arc »

 Chasseur à l’arc depuis 1998 et passionné d’Archerie depuis mon enfance, je vous propose réfléchir ensemble autour de quelques constats que j’ai pu faire ces dernières années.

Archer depuis longtemps (depuis l’âge de 10/12 ans), puis chasseur ensuite (16 ans), au fusil dans un premier temps, puis occasionnellement à l’arc (depuis 1998 date de ma JFO) et exclusivement à l’arc depuis 2003, j’ai vu les mentalités changer et le regard des autres chasseurs évoluer.

Il y a longtemps maintenant… (Et oui : environ 25 ans déjà que j’ai eu mon premier arc, je radote un peu maintenant dans ma 38ème année ; ça promet pour la suite !). Mais reprenons le fil : j’ai découvert la chasse à l’arc à travers des livres bien connus (et seules références à cette époque puisque pas d’Internet) celui de JM LECAILLE et celui de F CHAPTAL, ma bibliothèque est également bien fournie de livres divers et variés sur l’archerie (Howard HILL, Saxton POPE, Armand MAMY-RAHAGA, Jean Marie COCHE, Fred ASBELL …etc).

Aux origines donc, il me semble, les chasseurs à l’arc étaient des « chasseurs archers » ! Et les mots d’ordre étaient « connaissez votre matériel !» et « entrainez-vous ! ». Aujourd’hui, je vois des « chasseurs avec un arc », mais des « chasseurs / archers »,  pas tellement. La différence est à mes yeux énorme et m’amène quelques réflexions.

J’ai présidé une ACA pendant presque 3 ans (jusqu’en 09/2012) et les évolutions du monde actuel, m’inquiètent parfois. Il me semble qu’il faut aider tous ces nouveaux chasseurs à l’arc à progresser et à se perfectionner.

Les ACA, de quelques passionnés à l’origine, comptent aujourd’hui, pour certaines, plusieurs dizaines de membres ; mais combien d’Archers ? Guère plus qu’à l’origine dans la plupart des cas. Cette augmentation d’effectif, qui devrait me ravir, m’inquiète bien plus… Le monde de la Chasse à L’Arc voit arriver de bien curieux personnages, avides de prélever un animal avec un arc (et oui… c’est une mode et quel plaisir de raconter ses exploits autour d’une table), mais parmi eux, combien « d’Archers » ? Bien peu….

La course dans un magasin (quand ce n’est pas sur Internet) pour acheter un arc sans l’essayer. Dans certains magasins d’archerie « spécialisés », le vendeur propose et vante les mérites du seul arc de chasse (ou en tout cas annoncé comme tel) qu’il a en stock !!! Il correspond forcément à la morphologie du client, bien sûr… Vient ensuite un paquet de flèches (les seules disponibles ce jour-là également) quelques séances d’entrainement, et voilà nos nouveaux chasseurs avec un arc au coin d’un bois…

Je vous propose de partir de quelques constats / faits réels et vécus, et d’envisager les axes de progression que nous pourrions envisager, afin d’évoluer.

Ce qui va suivre n’exclura pas une mauvaise flèche, bien sûr (cela peut nous arriver à tous), mais permet au moins de mettre toutes les chances de son côté.

1er constat :

De nombreux chasseurs à l’arc ne se sont jamais intéressé à l’archerie ni à leur matériel. Hors avant de partir chasser avec un arc, il me parait indispensable de devenir avant tout un « archer ».

Chacun devrait donc prendre le temps de choisir son arc, d’en comprendre le fonctionnement pour affiner les réglages ; de choisir les flèches qui seront en adéquation avec cet arc (spine / poids des pointes et des lames de chasse)…etc

Comme je l’ai dit plus haut, par le passé, les chasseurs à l’arc étaient tous sans exception archers et ensuite chasseurs à l’arc. Aujourd’hui, avec le développement des JFO, c’est le contraire : des chasseurs souhaitent chasser à l’arc sans jamais s’être intéressé auparavant à l’archerie et surtout sans être archers.

2nd constat :

Certains ne voient pas l’intérêt de s’entrainer régulièrement… Hors avec un arc, sans entrainement, point de salut ! Car un arc de chasse nécessite une gestuelle parfaitement « intégrée », il nécessite aussi de faire travailler régulièrement ses muscles, un arc est une arme qui sollicite de nombreux muscles qu’il faut « éveiller » puis entretenir.

Qu’il s’agisse d’arcs traditionnels ou d’arc à poulies, Il me semble donc indispensable de passer de longues heures à s’entrainer, de passer le cap des périodes de doutes et de frustrations que chaque archer est amené à traverser.

J’ai vu un jour, lors d’un entrainement, un archer tirer 4 ou 5 flèches sur un chevreuil 3D (je précise la distance : 10 ou 12 mètres tout au plus). Résultat : une « loupée », une dans le cou, l’autre en panse, cuissot, voir même (mais je ne suis plus sur) : une en zone tuée ! (oh miracle !). Et cet archer d’annoncer fièrement « Les 4 sont dedans !!! IL est mort !!!

A la chasse,  il n’y a qu’une flèche à tirer… Il faut donc avoir acquis une technique suffisamment sure pour grouper ses flèches jusqu’à environ 15 m. La chasse n’est pas un jeu, il ne faut pas tirer pour blesser.

Egalement il me parait essentiel de s’entrainer également avec des lames de chasse, afin de vérifier leur vol. Jusqu’à des distances de 25/30 m, non pas pour chasser à cette distance, mais pour détecter une lame non adaptée qui planera, écouter si les lames volent silencieusement. Une fois vos lames testées, vous pouvez les affûter et les ranger soigneusement, sur qu’elles se comporteront correctement en action de chasse.

Avec un clin d’œil à l’inventeur (dans un autre contexte qui n’avait rien à voir avec le tir à l’arc), j’ai découvert une progression qui me semble parfaitement adaptée au tir à l’arc :

                1ère étape : L’archer ne sait pas qu’il ne sait pas tirer à l’arc (un débutant qui par exemple réalise quelques tirs correct et est de se fait persuadé que ce n’est pas très compliqué, qu’il peut partir à la chasse avec son arc)

                2ne étape : L’archer sait qu’il ne sait pas tirer à l’arc. C’est la prise de conscience et le début de l’apprentissage. Poser les bases, travailler les positions, l’ancrage, la décoche…etc.

                3ème étape : L’archer sait qu’il sait tirer à l’arc. Après de nombreuses séances d’entrainement, des mois ou des années, l’archer est capable de tirer correctement, voir très bien. Il en a conscience, s’applique à ne pas commettre d’erreur, soigne ses tirs. Nombre d’entre nous en resterons à cette étape.

                4ème étape : L’archer ne sait pas qu’il sait tirer à l’arc…. La boucle est bouclée, quelles que soit les conditions, l’archer a complètement intériorisé la technique, il est dans la cible, dans l’animal en action de chasse. Tout ses gestes sont devenus tellement naturels et inconscients qu’il ne pense même plus à ce qu’il doit faire ; il tir c’est tout !

3ème constat :

Nombre d’archers se retrouve à la chasse sans avoir vérifié si leurs lames sont affûtées ou pas.

A l’occasion d’une journée de chasse, lors du repas du midi, un archer évoquait ses difficultés à affûter ses lames. Nous décidons alors de vérifier, et…. Les lames ne coupaient pas du tout ! Nous pouvions passer nos doigts dessus sans aucun risque.

Pour avoir à de nombreuses reprise échangé avec des chasseurs à l’arc, ce problème revient souvent et est malheureusement sous estimé par de nombreux archers.

Hors un affûtage « rasoir » est nécessaire pour qu’une flèche soit efficace en action de chasse. A défaut, la lame écartera les chairs sans couper et ne créera pas l’hémorragie voulue. Une telle flèche n’entraine bien souvent pas la mort.

A défaut de savoir affûter ses lames (ce n’est pas donné à tous et certaines lames sont plus complexes que d’autres à affûter), d’excellentes lames démontables existent dans le commerce avec des lames interchangeables.

4ème constat :

 Des archers changent d’arc (ou de flèches) en cours de saison et sans s’être entrainé avec leur nouveau matériel.

J’en ai vu parfois essayer leur arc une fois, et, satisfait du résultat, partir à la chasse avec. C’est oublié que pour être efficace en action de chasse, votre matériel doit être devenu le prolongement de vous-même, il faut avoir tiré de longues heures avec.

Une nouvelle flèche plus lourde ou un arc un peu moins puissant, et à la moindre sous-allonge ou mauvaise estimation de distance, votre flèche sera immanquablement un peu basse.

Et bien souvent, ce n’est pas le matériel qui est en cause… Les anciens, les « légendes » chassaient avec des arcs archaïques et des flèches en bois et obtenaient des résultats, mais la plupart s’entrainaient chaque jour.

5ème constat :

Des conditions de tir incertaines, finissent toujours pas mener à des loupés (c’est dans ce cas le meilleur qu’il puisse arriver) ou à des catastrophes (animaux blessés).

Au retour d’une sortie de chasse, nous entendons souvent certains mots « j’ai tenté », « j’ai essayé ». Ces mots, doivent être, me semble t-il, banni de notre vocabulaire. Avec un arc, on ne tire que quand toutes les conditions sont réunis : quand « on est sur ». Ce qui n’empêchera nullement des loupés ou, malheureusement des mauvaises flèches ; mais au moins, mettons toute les chances de notre coté.

Une flèche n’ayant pas « la force de choc » d’une balle, mal placées, elle est bien souvent inefficace.

Les conditions de tir difficiles et improbables sont également à proscrire, le moindre obstacle, la pénombre et votre flèche ne volera pas à son but… Pour un résultat alors très aléatoire.

Faite l’essai avec une 3 D placée soit dans les herbes hautes, à travers une zone sale ou encore à la tombée de la nuit… Voyez le résultat et tirez vos conclusions !

6ème constat :

Avec un arc, il est indispensable de savoir estimer les distances.

Souvent au retour d’une chasse, certains archers ont décoché une flèche sans être capable d’indiquer la distance de leur tir. Avec un arc, pas le choix, il faut s’habituer à estimer les distances, la billebaude est à cet égard un excellent entrainement. Des « moins de 25 m » qui se transforme en 30 ou 32 m après vérification,  « 15/20 m » « peut-être », et encore, devant les copains on n’ose pas toujours avouer une distance que l’on sait pertinemment trop importante.

Non seulement la précision peut être en cause à des distances excessives, mais il me semble important de rappeler qu’aussi fin tireur que l’on puisse être, la vitesse d’une flèche (50 à 90 m/s avec les meilleurs arcs modernes) laisse le temps à un animal de bouger avant l’impact (le fameux « saut de corde » entre autre). Et le tir si parfait au départ se transforme en catastrophe…

7ème constat :

Seuls les tirs « plein travers » ou « ¾ arrière » sont efficaces et mortels avec un arc.

Tous le reste n’est que conjecture, qui fonctionnera peut-être une fois, par chance, mais n’entrainera que des catastrophes en cas de répétition, comme tirer un animal « en cul », de face ou de ¾ avant.

Rien ne sert de précipiter un tir qui n’aboutira à rien de propre, le choix de la chasse à l’arc, c’est aussi celui de la patience et de l’humilité ; il faut apprendre jour après jour à gérer sa frustration et son impatience.

Conclusion :

Toutes ses précautions n’éviteront pas, parfois, de blesser. Il faudra alors appeler  le « chien de sang », car il est bien évidemment exclu de laisser un animal blessé dans la nature, la souffrance de l’animal chassé, si elle est inéluctable, doit être réduite au maximum. Mais cela n’est pas une fin en soi. Avec une « bonne flèche », un animal aura une distance de fuite inférieure à 100 m, et sauf zone très sale, il sera retrouvé en analysant la situation et le terrain. Si donc, parfois, nous faisons  appel au conducteur de chien de sang, ne nous y trompons pas : la flèche n’était pas bonne !

Les territoires s’ouvrent de plus en plus aux archers, notre mode de chasse est désormais reconnu, mais aussi, ne vous y trompez pas, nous serons observés et jugés à la première flèche décochée : chaque archer véhicule avec lui une partie de l’image de toute la chasse à l’arc !

Un animal blessé dans une chasse qui accueille un archer pour la première fois : et la seule chose retenue sera « un arc ça ne tue pas, ça blesse… ».

J’entends souvent des Archers me rétorquer : « les carabiniers blessent aussi ». Certes, mais les armes à feu ont fait leur preuve ; nous, pas encore, pas toujours en tout cas.

Amis Archers, amis chasseurs, la réflexion est ouverte….

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