Le Tir Instinctif,
En préambule, je précise que cet article n’a pas la prétention de décrire une nouvelle technique ou de révolutionner ce qui a déjà été écrit sur le sujet. Il vise simplement à simplifier l’apprentissage, voir le perfectionnement par une vision qui se veut la plus pragmatique possible.
J’ai repris pour mon compte et / ou adapté des techniques déjà décrites dans des ouvrages connus, elles sont simplement revisitées et adaptées à ma perception.
Tout d’abord, qu’est ce que le tir instinctif ?
Dans le tir instinctif, le tireur ne regarde et ne voit que la cible, il n’y a aucun alignement de points ou autres organes de visés (Arc nu, sans viseur, sans correcteur d’allonge !). La flèche doit aller là ou porte le regard.
« C’est être mentalement et physiquement dans la cible » (extrait de « Tir à L’Arc Instinctif / Chasse a l’Arc et Arts Martiaux, par Armand MAMY-RAHAGA)
Pour devenir régulier et précis en Tir Instinctif, il est nécessaire d’acquérir une gestuelle précise et coordonnée. Cet article vous guidera pour acquérir les bases, la suite tiens en un mot : Entrainement, Entrainement, Entrainement et encore Entrainement !!!
Je vous conseille tout d’abord de commencer avec un arc d’une puissance que vous maitrisez sans effort (la puissance est fonction de la morphologie – disons 30 à 45 livres pour un homme et 25 à 35 livres pour une femme). Le but étant d’acquérir la gestuelle. Une fois la gestuelle acquise vous pourrez monter en puissance (si vous souhaitez chasser, sachez qu’un arc traditionnel « moderne » de 55 livres permet de tirer et tuer proprement n’importe quel animal sur le territoire Français – la précision de l’atteinte est plus importante que la puissance). Si vous commencez avec un arc trop puissant, vous courrez le risque de prendre des défauts dont il vous sera difficile de se débarrasser par la suite, et aussi celui de vous faire mal (claquage, tendinite).
La distance de tir :
Commencez à une distance courte (moins de 5 m), vous ne pouvez pas acquérir une technique correcte en cherchant du résultat à 15 ou 20 m. Quand vous serez devenu régulier, vous augmenterez progressivement la distance.
Par la suite et en fonction de vos objectifs (chasse, parcours 3D), je vous conseille de varier sans cesse les distances de tir afin de ne pas vous habituez à une distance précise. Pour être efficace en action de chasse, vous devez tirer de la même façon de 5 à 20 mètre, votre inconscient, fera les corrections nécessaires.
Je vous conseille également, occasionnellement, de tirer à des distances plus longues (20 à 50 mètres), non pas pour tenter des tirs difficiles en action de chasse, mais pour visualiser la trajectoire de vos flèches, comprendre ce qui se passe au-delà et ainsi faire travailler votre inconscient. Vous pourrez aussi retrouver ces distances de tir sur des Parcours 3D.
Très important également : « faites de la paille ». Comprenez, ne mettez pas de cible sur votre butte de tir, travaillez uniquement votre technique sans chercher à atteindre un objectif précis. Quand vous réaliserez des groupements serrés (voir casserez des encoches !) vous pourrez commencer à tirer sur un objectif précis.
La « paille » permet également de travailler sa technique sans avoir la pression d’une cible à atteindre. Il est en effet très difficile de travailler plusieurs choses en même temps (gestuelle, ancrage, allonge, précision…), cela facilite l’apprentissage.
Même les archers confirmés font de la « paille » !
La visée :
Comme indiqué plus haut, la flèche doit aller là ou porte le regard. Le tir se pratique les 2 yeux ouverts. Vous devez vous entrainer à viser un point « shoot a point » comme disent les Américains (Fred BEAR, Howard HILL entre autres)
Il faut donc habituer votre regard à chercher un point, souvent imaginaire au centre de la cible et ainsi être capable de visualiser le point à atteindre sur une cible 3D ou un animal en action de chasse.
La concentration, la capacité à poser rapidement son regard sur ce « point » est primordiale ; entrainez vous régulièrement, n’importe quand dans la journée en regardant un objet à trouver son point central.
Pour vous entrainer, il y a les cibles 3D bien sur qui constituent un excellent moyen ; mais vous pouvez aussi prendre un vieux pneu et vous entrainer à viser le point imaginaire qu’est le centre de ce pneu ; vous devrez bien sûr réaliser le meilleur groupement possible au centre du pneu.
Vous constaterez lors de vos entrainements, qu’il est plus facile de bien grouper ses flèches autour d’une cible très petite (un bouchon de bouteille en plastique par exemple) qu’à l’intérieur d’un disque plus gros.
Une erreur courante en action de chasse (que je commets encore, notamment sur le petit gibier) est de visualiser l’animal dans son ensemble et de décocher sans chercher ce « point » imaginaire… Vous manquerez à chaque fois votre cible…
La position du corps :
Vous devez vous positionner perpendiculairement à la cible.
Vous devez être solidement en appui sur vos 2 pieds (pas en déséquilibre sur l’un ou l’autre), les genoux légèrement fléchis, vos épaules doivent rester peu ou prou dans l’alignement de vos talons. Un déséquilibre sur l’avant ou l’arrière aura une conséquence sur votre tir.
Votre corps doit être détendu, sans raideur, les épaules basses.
Il est possible de prendre une position légèrement différente, en fléchissant uniquement le genou « de cible » ; la maitrise de l’équilibre du corps est plus aisée avec cette méthode. La première méthode avec les genoux fléchis vous permettra d’être plus mobile et de pouvoir tirer une cible en mouvement, voir derrière vous…
Tenue de l’Arc :
Vous devez tenir l’arc sans serrer la poignée de façon exagérée. Le point de contact entre votre main et l’arc se situe à l’intersection constituée pas la base de votre pouce et de votre index.
En pleine allonge, vous pouvez même ouvrir des doigts, la pression suffit à éviter la chute de l’arc. Les tireurs sur cible utilise une « Dragonne » et laissent l’arc basculer vers l’avant après la décoche. En tir traditionnel, nous n’utilisons pas de Dragonne, il suffit donc de laisser vos doigts sur la poignée sans crispation pour retenir l’arc après la décoche.
Inclinez légèrement votre arc, c’est une position plus souple et plus dynamique qu’un arc tenu à la stricte verticale, cela facilitera également le maintient de la flèche sur le tapis d’arc.
Après la décoche, conservez la position quelques instants, ne bougez pas trop vite. Mémorisez ce qui vient de se passer de façon consciente et inconsciente.
Position de la Main sur la Corde :
Les arcs moderne sont conçus (réglage des Tillers) pour une prise dite « méditerranéenne », c’est-à-dire un doigt au dessus de la flèche (l’Index) et deux doigts en dessous de la flèche (majeur et annulaire).
La corde doit être en appui sur les premières phalanges des doigts. Pas plus ! Au-delà cela créerait des perturbations lors du départ de la flèche et entrainerais un vol irrégulier.
L’armement de L’arc :
Vous devez réaliser un poussé / Tiré en même temps.
Votre bras d’arc doit monter en cible et dans le même temps votre main de corde doit rejoindre son point d’ancrage.
Le coude de votre bras d’arc doit se tourner vers l’extérieur pour libérer le passage de la corde.
Pendant la phase d’armement, il est important de contrôler votre respiration, comme pour un exercice de musculation, vous devez expirer pendant l’effort. Votre respiration doit être coordonnée avec la montée en cible et l’armement de l’arc.
Inspirez avant d’armer, et expirer pendant la phase d’armement, bloquez votre respiration à l’ancrage, une fois la flèche partie, expirer complètement.
Vous devez armer votre arc en une seule fois jusqu’à la pleine allonge afin d’éviter toute perte d’Energie.
Ajout 11-2015 : Comme de nombreux tireurs j’ai été touché par la maladie de la carte : décoche prématurée avant d’arriver en pleine allonge. Pour d’autre cette maladie se traduit également par des tremblements.
Lors de ma visite chez Jean Max LECAILLE (06-2015), nous avons échangé sur cette difficulté. Dans un premier temps il m’a observé tirer, puis nous avons échangé et il m’a souligné avec justesse un défaut que j’avais pris sans m’en rendre compte.
Ce défaut consistait en une phase d’armement « non linéaire » : lors de la traction, la main de corde doit venir rejoindre le point d’ancrage « en ligne droite »; et bien avec le temps j’avais pris l’habitude d’armer en faisant une « parabole ». Pendant la phase d’armement ma main d’arc montait trop haut pour redescendre ensuite à hauteur de mon ancrage.
Ce défaut avait pour conséquence directe une perte d’énergie (abordée par ailleurs sur cette page) et une difficulté à atteindre avec aisance la pleine allonge.
J’ai travaillé sur ce point en prenant l’habitude de mettre légèrement l’arc en tension alors que je le tiens à hauteur de ma ceinture et à démarrer exagérément (dans un premier temps) la phase d’armement à ce niveau pour amener l’arc à pleine allonge.
Je me suis également entraîné à décocher les yeux fermés en prenant soin de me servir de mon point de décochage (voir légèrement au delà volontairement) comme d’un « clicker ».
Au fil des entraînements la confiance est revenue et mes résultats sont à nouveau en nette amélioration. Même si parfois quelques décoches prématurées surgissent encore !!
Cette expérience est enrichissante et rappel à tout archer (moi en premier !) que le tir à l’arc amène à l’humilité et à la remise en cause permanente ! Rien n’est jamais acquis et comme je l’écrivais il y a maintenant quelques années sur cette page, même les archers confirmés font de la paille et revoient régulièrement les fondamentaux.
L’explication rationnelle (à mes yeux) est la suivante : avec le temps et l’expérience nous atteignons un niveau correct de tir puis nous stagnons à ce niveau (comme dans tous les sports, plus le niveau est élevé, plus les paliers supérieurs pour progresser sont difficiles à franchir).
En phase de stagnation, la frustration et l’envie de progresser nous taraudent. Nous focalisons alors (de façon justifiée ou non !) vers tel ou tel point de notre technique (nous cherchons « un responsable » !). C’est là que les ennuis commencent….
A trop focaliser sur un « supposé » défaut, nous oublions le reste et prenons d’autres défauts… Et si nous ne restons pas vigilant, le mélange devient vite imbuvable avec le conscient et l’inconscient qui se débattent joyeusement pour notre plus grand désarrois.
Conclusion : lors d’entraînements en groupe, prenons le temps de nous observer mutuellement, d’avoir un regard critique (et constructif bien sur) sur les autres.
Réalisons ensemble des exercices ciblées sur tel ou tel défaut. Chacun travaillant les défaut des autres, nous en sortons tous grandis de par le travail effectué bien sur mais en évitant par ces échanges et « travaux » communs de focaliser sur nos propres « supposés » défauts.
L’allonge :
Contrairement aux tireurs sur cible qui utilisent des contrôleurs d’allonge ou aux arcs à Poulie qui sont réglés pour une allonge donnée, vous devez apprendre à contrôler votre allonge sans aucun artifice.
Le contrôle de l’allonge est indispensable à la régularité de vos tirs, 1 pouce de moins c’est environ 3 livres de puissances en moins et donc une trajectoire de flèche différente. Idem en sens contraire avec 1 pouce de plus.
A votre pleine allonge, votre bras d’arc doit pousser l’arc sur l’avant et votre main de corde doit venir a son point d’ancrage. Vous devez sentir les muscles de votre dos et de vos épaules travailler et « s’ouvrir ».
Le point d’ancrage :
Votre main ne doit pas « flotter » à une quelconque distance de votre visage (vous n’auriez aucune précision et aucune régularité), mais venir s’ancrer sur celui-ci.
Le point d’ancrage peut différer légèrement d’un tireur à l’autre, prenez celui qui vous convient le mieux et n’en changé plus. Pour ma part, j’amène mon majeur à la commissure de mes lèvres.
Je connais des archers qui préfèrent tirer avec une position de la main plus basse ou plus haute, c’est leur index ou l’annulaire qui arrive au niveau des lèvres, une fois l’habitude prise c’est tout aussi efficace.
Attention c’est bien votre main qui doit venir s’ancrer ! Pas votre visage qui avance.
Votre visage doit être légèrement incliné et suivre l’inclinaison de l’arc.
La décoche :
Elle doit se faire (notamment en action de chasse) dans le prolongement de la phase d’armement.
Il est aussi possible de pratiquer des « tirs tenus », cela consiste à conserver quelques instants la pleine allonge avant de décocher. C’est un excellent entrainement pour la maitrise de l’allonge et la gestion de certaines situations de chasse.
La décoche ne doit pas être consciente.
Imaginez un fil imaginaire qui part du point visé, pour passer par la pointe de la flèche jusqu’à l’encoche. Vous tirez sur ce fil de façon continue et soudain il casse… La flèche est partie droit au but, vous n’avez pas conscience d’avoir décoché.
Pour ceux qui ont déjà tiré à la carabine, c’est la même chose, la pression sur la détente est progressive et vous le coup « part tout seul », sans « coup de doigt ».
Attention aux erreurs de décoche, elles ont de lourdes conséquences sur le départ et le vol de la flèche. C’est pour éviter ces erreurs que les tireurs sur cible et d’arc à poulie utilisent souvent des décocheurs.
Vous devez simplement ouvrir vos doigts et laisser filer la corde. Votre main doit naturellement venir au dessus de votre épaule. Pour vous entrainer, vous pouvez joindre vos deux mains par les doigts, comme si vous teniez la corde et ouvrir vos doigts, répétez régulièrement cette opération, c’est un entrainement facile et réalisable à tout moment de la journée.
Attention à ne pas « arracher» ou « éclater » votre décoche, la main s’éloigne alors du visage brutalement et la corde est libérée de façon erratique.
Concernant la décoche, j’en profite pour précisez qu’il faut utiliser une longueur d’arc adaptée à votre allonge. Plus l’arc est court, plus le phénomène de pincement des doigts sera important et plus il est difficile de décocher « proprement ». Vous constaterez que vous serez plus précis avec un arc plus long.
Exercices pour s’entrainer :
1er exercice :
Placez-vous à 3 m devant votre cible, armez l’arc et fermez vos yeux en arrivant à l’ancrage. Vous aurez la pleine sensation de votre point d’ancrage et de votre pleine allonge (impossible à obtenir en s’entrainant les yeux ouvert car trop de sens sont en éveil qui fausse la perception).
Vous pouvez réaliser cet exercice à plusieurs reprises sans décocher votre flèche. Réalisez ensuite l’exercice en décochant (toujours les yeux fermés), cela permettra de la même façon d’avoir la pleine sensation de votre décoche.
Pour travailler votre Allonge, vous pouvez également vous entrainer à armer votre arc et à conserver la pleine allonge quelques instants sans décocher, répétez l’exercice plusieurs fois. Cela vous permet non seulement de travailler votre allonge, mais aussi vous apprend à retenir le départ d’une flèche, retenir une mauvaise flèche en action de chasse est tout aussi important que de bien tirer.
2nd Exercice :
Maintenant, un exercice à réaliser à 2.
Dessinez 5 cercles d’environ de 15 cm diamètre sur un carton, numérotez les de 1 à 5. (Il est aussi possible de réaliser cet exercice en plaçant 4 ou 5 cibles 3D devant vous)
Placez-vous entre 10 et 12 mètre de la cible. Vous allez tirer chacun votre tour celui qui ne tire pas observe le tireur et donnera l’ordre de tir.
Le tireur arme l’arc en direction de la cible et s’ancre à pleine allonge, l’observateur annoncera un chiffre de 1 à 5 (ou une cible 3 D) uniquement si le tireur est à pleine allonge. Le tireur devra alors décocher dans le cercle ou est inscrit le chiffre annoncé.
Si le tireur n’est pas en pleine allonge, demandez-lui de relâcher son arc sans décocher.
Cet exercice permet de travailler sur la régularité de l’allonge et aussi sur un changement d’objectif de dernière minute, situation qui peut arriver à la chasse.
Les 3 exercices suivants sont repris du livre « La Discipline du tir instinctif souple » par Jean Marie COCHE et permettent de travailler la précision (décoche / allonge) et la concentration.
3ème Exercice :
Dessinez 4 cercles de tailles différentes (Pour les débutants : 50 cm, 40 cm, 30 cm et 20 cm ; pour les tireurs plus expérimentés : 30cm, 20cm, 15 cm et 10 cm) et placez-vous à 12 mètre de la cible.
En tir instinctif, il est important de travailler sa confiance, ne cherchez donc pas à réduire la taille des cercles trop rapidement, faites le quand vous réussissez à chaque fois et sans aucune erreur avec les cercles les plus gros.
Vous devrez décocher 3 flèches dans chaque cercles du plus gros au plus petit. Vous n’avez le droit de passez au cercle suivant uniquement si vos 3 flèches sont dans le cercle précédent.
C’est un excellent exercice pour améliorer vos groupements.
4ème exercice :
Dessinez 1 rectangle d’environ 8cm par 60 cm. Placez le horizontalement sur la cible. Mettez vous à 8 à 10 mètre de la cible (pas plus : l’exercice est difficile).
Vous allez décocher 5 flèches en essayant de tracer une ligne droite à l’intérieur de ce rectangle.
Renouvelez l’exercice en plaçant cette fois ci le rectangle verticalement sur la cible.
Ces 2 exercices sont excellent pour travailler votre bras d’arc, votre décoche, votre allonge et votre placement.
5ème exercice :
Dessinez des formes géométrique (carré, triangles, trapèze…etc), l’exercice consiste à placer vos flèches dans les figures au plus près possible des angles, sans toucher les bords.
Placez vous entre 5 et 10 m de la cible et tirez 4 flèches dans un carré ou un rectangle, 3 dans un triangle…Etc.
Cet exercice est également réalisable en dessinant un cercle de 40 à 50 cm de diamètre, vous devrez alors tirer 8 flèches et dessiner un second cercle à l’intérieur de premier (à 8 cm environ du bord du premier cercle).
Tous ces exercices ne sont pas exhaustifs, mais de mon expérience ce sont ceux qui me font le mieux progresser. J’y reviens régulièrement et je les pratique tout aussi régulièrement que le tir sur cible 3 D.
N’oubliez pas une chose : le tir à l’arc doit être un jeu ! Prenez du plaisir, tirez des objets aux formes variés, changez de position, amusez-vous avec votre arc pour le maitriser en toutes circonstances.
Bonne flèches à tous.
Arnaud LESBATS
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